mardi 2 juin 2015

« Des médecins dépassés par l'enfance? »

Par Vanessa Boulay

Les maladies mentales explosent chez les enfants : autisme, déficits de l'attention, bipolarité... Pourtant, ils ne sont pas plus malades qu'avant, assurent les spécialistes.

De nos jours, beaucoup d'enfants ressortent du bureau de leur médecin avec un diagnostic précoce, qui n'est pas nécessairement vrai ou adapté pour eux. Tous les gens qui travaillent dans le domaine de la santé ont accès a leur « bible», plus communément appelée le DSM, c'est-à-dire, le Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux. Ce qu'on y retrouve à l’intérieur est impressionnant. Par exemple: le trouble de personnalité limite, la bipolarité, le TDAH... Toutes les maladies mentales s'y retrouvent.

Aujourd'hui, en Amérique du Nord, c'est un enfant sur 100 qui serait diagnostiqué autiste. Selon les chiffres des épidémiologistes, c'est vingt fois plus que dans les années 1990. Dans ces  années-là, on diagnostiquait seulement un enfant sur 2000. Avec la multiplication des diagnostics, les médecins spécialistes ont donné aux associations de parents une meilleure force de frappe face au gouvernement pour marquer des points dans le but d'obtenir de l'aide. Depuis 2003, tous les enfants diagnostiqués autistes ont le droit à vingt heures de thérapie dans un centre de réadaptation public. En revanche, il y a d'autres maladies qui ne donnent pas accès automatiquement à ces services, par exemple, le syndrome de Gilles de la Tourette. Il y a une énorme inégalité d'accès aux services. Le Dr. Mottron, psychiatre, dit :  «Quand je retire un diagnostic d'autisme à un enfant, il y a des parents qui se mettent à pleurer dans mon bureau». Selon lui, il y a beaucoup trop de cas d'autisme pour ce qu'il en est réellement.

De plus, le TDAH est un trouble de l'attention avec hyperactivité et le TDA est un trouble de l'attention sans hyperactivité. Il est beaucoup trop facile, selon ce médecin, de poser le diagnostic de TDA ou TDAH. «Il suffit d'avoir un élève qui a besoin de bouger dans une classe de 30 élèves et un professeur débordé pour qu'il soit susceptible d'être diagnostiqué TDA ou TDAH... Ce n'est pas parce que tu as un besoin de bouger que tu es automatiquement TDAH. Plusieurs facteurs peuvent être en cause. Par exemple, une mauvaise nuit de sommeil, un changement dans sa vie ou même une mauvaise journée, ce qui peut arriver à tout le monde... Il est très important de bien prendre en compte tous les facteurs avant de poser le diagnostic et de médicamenter les enfants», selon le médecin.

Pour ce qui est de la bipolarité, c'est un trouble de l'humeur, par exemple, de l'irritabilité grave ou une grande rage. En 1994, aux États-Unis, on diagnostiquait 25 cas pour 100 000 visites d'enfants chez le médecin. En 2003, on dépistait 1003 cas pour 100 000 visites. Ce résultat est 40 fois plus élevé. Parmi les jeunes avec ce diagnostic, neuf sur dix sont traités avec au moins un médicament, les autres en prennent deux ou plus. Avec ses collègues, la Dre Patricia Garel, pédopsychiatre, a épluché près de 50 dossiers d'enfants ayant été diagnostiqués bipolaires entre 2006 et 2010. Dans presque tous les cas, il s'agissait d'enfants qui avaient une histoire de vie difficile. À leur sortie de l'hôpital, aucun n'avait gardé son diagnostic. Un mauvais diagnostic suivra l'enfant toute sa vie et teintera la vision qu'il a de lui-même. Il faut donc s'assurer qu'il a vraiment un trouble de bipolarité, aux dires de la Dre Garel.


En bref, n'importe quel enfant qui fait des banales colères infantiles pourrait se retrouver avec un diagnostic de maladie mentale. Avec les nouveaux critères du DSM, l’Association américaine des psychiatres vient peut-être d'ouvrir le barrage pour laisser passer le prochain tsunami. Le DSM est en grande partie responsable de tous ces diagnostics. Alors, chers parents, soyez vigilants face au diagnostic qui pourrait être rendu pour votre enfant.