Par Vanessa Boulay
Les maladies mentales explosent chez les enfants : autisme,
déficits de l'attention, bipolarité... Pourtant, ils ne sont pas plus malades
qu'avant, assurent les spécialistes.
De nos jours, beaucoup d'enfants ressortent du bureau de leur
médecin avec un diagnostic précoce, qui n'est pas nécessairement vrai ou adapté
pour eux. Tous les gens qui travaillent dans le domaine de la santé ont accès a
leur « bible», plus communément appelée le DSM, c'est-à-dire, le Manuel
diagnostic et statistique des troubles mentaux. Ce qu'on y retrouve à
l’intérieur est impressionnant. Par exemple: le trouble de personnalité limite,
la bipolarité, le TDAH... Toutes les maladies mentales s'y retrouvent.
Aujourd'hui, en Amérique du Nord, c'est un enfant sur 100
qui serait diagnostiqué autiste. Selon les chiffres des épidémiologistes,
c'est vingt fois plus que dans les années 1990. Dans ces années-là,
on diagnostiquait seulement un enfant sur 2000. Avec la multiplication des
diagnostics, les médecins spécialistes ont donné aux associations de
parents une meilleure force de frappe face au gouvernement pour marquer
des points dans le but d'obtenir de l'aide. Depuis 2003, tous les enfants diagnostiqués
autistes ont le droit à vingt heures de thérapie dans un centre
de réadaptation public. En revanche, il y a d'autres maladies qui ne donnent
pas accès automatiquement à ces services, par exemple, le syndrome de
Gilles de la Tourette. Il y a une énorme inégalité d'accès aux services. Le Dr.
Mottron, psychiatre, dit : «Quand je retire un diagnostic
d'autisme à un enfant, il y a des parents qui se mettent à pleurer
dans mon bureau». Selon lui, il y a beaucoup trop de cas d'autisme pour ce
qu'il en est réellement.
De plus, le TDAH est un trouble de l'attention avec
hyperactivité et le TDA est un trouble de l'attention sans
hyperactivité. Il est beaucoup trop facile, selon ce médecin, de
poser le diagnostic de TDA ou TDAH. «Il suffit d'avoir un élève qui a besoin de
bouger dans une classe de 30 élèves et un professeur débordé pour qu'il soit
susceptible d'être diagnostiqué TDA ou TDAH... Ce n'est pas parce que tu as un
besoin de bouger que tu es automatiquement TDAH. Plusieurs facteurs peuvent
être en cause. Par exemple, une mauvaise nuit de sommeil, un changement dans sa
vie ou même une mauvaise journée, ce qui peut arriver à tout le monde...
Il est très important de bien prendre en compte tous les facteurs avant de
poser le diagnostic et de médicamenter les enfants», selon le médecin.
Pour ce qui est de la bipolarité, c'est un trouble de l'humeur,
par exemple, de l'irritabilité grave ou une grande rage. En 1994, aux
États-Unis, on diagnostiquait 25 cas pour 100 000 visites d'enfants chez le
médecin. En 2003, on dépistait 1003 cas pour 100 000 visites. Ce résultat est
40 fois plus élevé. Parmi les jeunes avec ce diagnostic, neuf sur
dix sont traités avec au moins un médicament, les autres en prennent deux
ou plus. Avec ses collègues, la Dre Patricia Garel, pédopsychiatre, a épluché
près de 50 dossiers d'enfants ayant été diagnostiqués bipolaires entre 2006 et
2010. Dans presque tous les cas, il s'agissait d'enfants qui avaient une
histoire de vie difficile. À leur sortie de l'hôpital, aucun n'avait gardé
son diagnostic. Un mauvais diagnostic suivra l'enfant toute sa vie et
teintera la vision qu'il a de lui-même. Il faut donc s'assurer qu'il a vraiment
un trouble de bipolarité, aux dires de la Dre Garel.
En bref, n'importe quel enfant qui fait des banales colères
infantiles pourrait se retrouver avec un diagnostic de maladie mentale. Avec
les nouveaux critères du DSM, l’Association américaine des psychiatres vient
peut-être d'ouvrir le barrage pour laisser passer le prochain tsunami. Le DSM
est en grande partie responsable de tous ces diagnostics. Alors, chers parents,
soyez vigilants face au diagnostic qui pourrait être rendu pour votre enfant.